Ma lettre à Aziz
Cher ami Abdoul Aziz,
Mon âme exulte de joie de te lire et de te savoir bien portant après tout ce périple. Je remercie le collège des ancêtres de t’avoir protégé au cours de ce long voyage aux conséquences multiples.
Après ton départ, qui a laissé certains sceptiques de croire que tu n’étais plus du monde des vivants, plusieurs événements se sont produits aussi bien dans le pays qu’au sein de ta famille.
Parlant de ta famille, c’est avec tristesse que je t’apprends le décès de ta mère, qui n’a pu supporter le chagrin de te perdre, toi son aîné et son unique espoir.
N’ayant pas de tes nouvelles, la vieille a fait des nuits blanches à te pleurer, se privant par moment de nourriture. Nos tentatives pour la dissuader ont échoué les unes après les autres. Amaigrie et effondrée, la vieille est passée de vie à trépas, laissant à sa survivance ta petite sœur Affou, ton petit frère Ben et ton père grabataire.
Tiens toi bien, ta petite sœur a dû abandonner les études après le décès de ta mère pour s’occuper du ménage. Elle s’est transformée en vendeuse de légumes sur un étalage en face de votre cours. Se rendant à l’aurore au marché d’Adjamé pour faire des provisions, elle a été sommairement assassinée par des “Microbes”, des enfants incontrôlables qui sèment la mort et la désolation sur leur passage. C’était d’ailleurs des revenus de son commerce, que Affou payait la scolarité de ton petit frère Ben. Après son décès, nous, tes amis de promotion, avons levé une cotisation pour assurer la scolarité de Ben, un brillant garçon qu’on ne voulait pas voir quitter d’aussi tôt l’école. Rassure toi, à ton image, ton petit frère Ben est un crack qui fait la fierté du quartier. Mais, en pleine rentrée scolaire, son établissement a été détruit dans un projet d’assainissement du district d’Abidjan. Conclusion, Ben a quitté l’école, se transformant en balanceur de Gbaka. De ses maigres moyens il s’occupe de son père malade depuis ta présence au pays du diabète.
A part ces tristes notes, tout va bien au pays. Abidjan brille de mille couleurs avec ses ponts et ses échangeurs. Dans un temps record un parc d’exposition, le plus grand d’ailleurs de l’Afrique de l’ouest est sorti de terre à Port Bouët sur la route de l’aéroport, tandis que les travaux de réhabilitation du CHU de Yopougon peinent à avancer. Tu comprends aisément que c’est en Europe qu’ils vont tous pour se soigner, même d’une simple carie dentaire. Dans cet embellissement de façade, la vie chère a bien trouvé sa place. Tout augmente au pays sauf le prix du cacao qui coûte 5000 FCFA chez nos beaux du Cameroun et à 1500f CFA chez-nous, premier producteur mondial.
On était encore tous étudiants sur la fac, lorsqu’ils avaient annoncé avec faste le projet “Un étudiant, un ordinateur”. Tu t’en souviens ? Eh bien cher ami, figure toi que jusqu’à ce jour c’est toujours au stade de projet, on n’en parle même plus, et pourtant des milliards ont été déboursés pour cela.
Dans un scénario que seuls les sorciers d’Akradjo sont témoins, nous avons organisé et remporté la 34e édition de la coupe d’Afrique des nations sur des terrains aux normes internationales. Tu as pu le voir je pense, parce que tous les médias du monde en ont fait un large écho.
Djo, il faut le dire à leur décharge, nos dirigeants ne lésinent pas sur les efforts quand il s’agit d’organiser des évènements ludiques.
Bon, je ne vais pas t’ennuyer davantage. Je vais me limiter là, espérant te relire très bientôt.
Bien à toi,
Ton ami Akina.
Akina Dekouassi,
Journaliste écrivain
Chroniqueur.
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