Dans ma courte vie de lecteur, je ne sais plus exactement à quel moment j’ai cessé de lire pour commencer à m’écouter. Mais en lisant D’un moi à l’autre d’Aminata Traoré, j’ai senti cette nécessité : celle de me parler, de m’écouter, de sonder mon propre être. Ce livre a ce pouvoir rare de transformer la lecture en introspection profonde.
D’un moi à l’autre se présente comme un monologue à plusieurs destinataires. Certains trouveront cette idée audacieuse, voire hérétique, du point de vue littéraire, mais peut-on réellement s’adresser aux autres sans passer par nous-mêmes ? Cachée derrière sa « divinité vénérée », l’auteure explore les grandes questions existentielles : la vie, la mort, le sens de nos choix, la perte des êtres chers, la fragilité de notre condition humaine, célébration des autres.

Le texte est traversé d’un souffle philosophique, à la manière des taoïstes qui contemplent le monde avec sérénité et lucidité. Aminata Traoré y invite le lecteur à la réflexion, à l’acceptation des cycles de la vie, et à l’espérance qui naît de la compréhension de soi. Cela s’explique par l’acceptation de soi que son « moi » conseille à son « autre ».
Mais le livre est aussi un hommage vibrant. Il célèbre les écrivains, les éditeurs et la littérature, cette « muse » qui accompagne et nourrit la pensée, qui guide et inspire, qui console et élève. Chaque mot, chaque phrase, devient un pont entre l’intime et l’universel, entre le « je » qui s’interroge et le « nous » qui cherche à comprendre. Lire D’un moi à l’autre, c’est se tenir face à soi-même tout en tendant la main aux autres, c’est découvrir que le dialogue le plus nécessaire est celui que l’on entretient avec sa propre âme. La lecture devient alors un acte d’écoute, de méditation et d’espérance : un voyage intérieur guidé par la voix de l’auteure et la puissance de la littérature.
Elle a marché sur ma langue, car écrire à soi-même demeure pour moi l’une des tâches les plus difficiles.